Le secteur des transports routiers représente 12 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Dans l’optique de réduire ces émissions, les constructeurs automobiles accélèrent la transition vers les véhicules électriques (VE). Cependant, malgré une augmentation rapide des ventes ces dernières années, certains freins à l’adoption du véhicule électrique persistent : une autonomie encore limitée pour la plupart des modèles et des pauses allongées (par rapport à un véhicule thermique) pour recharger lors des trajets longue distance. Le réflexe des utilisateurs est de se tourner vers des véhicules avec une batterie plus volumineuse mais ce type de véhicule est coûteux (environ 100 €/kWh de batterie) et a un impact environnemental important (au moins 50 kg CO2/kWh de la mine au point d’exportation). Limiter la taille des batteries est donc une solution plus viable et plus abordable pour les utilisateurs mais il faut en contrepartie proposer un service de recharge adapté pour les trajets longue distance afin de favoriser plus facilement l’adoption des VE.

Par conséquent, l’objectif de cette thèse a été d’étudier différents aspects de la recharge sur autoroute afin d’améliorer l’expérience des conducteurs de VE lors de trajets longue distance tout en permettant une mobilité électrique propre et abordable. Afin de tester les interactions entre les véhicules et les stations suivant les aspects de la recharge étudiés, nous avons développé un outil d’aide à la décision qui permet, grâce à des simulations et des algorithmes d’optimisation, de déterminer les stratégies de recharge les plus pertinentes.

Le premier aspect étudié concerne les stratégies permettant une gestion plus intelligente de la recharge d’une flotte de VE effectuant un trajet longue distance. Certaines des stratégies que nous avons proposées reposent sur une communication régulière entre les véhicules et les stations : les VE partagent en temps réel leur plan de charge optimal aux stations qui, en échange, évaluent les temps d’attente futurs et les communiquent aux VE. Après comparaison de différentes stratégies, il est apparu que la communication associée à une règle de PAPS (« premier arrivé, premier servi ») en station représente la meilleure stratégie : la connaissance du temps d’attente en station permet une meilleure répartition des véhicules dans les stations et la règle de priorité PAPS ne surcontraint pas le problème contrairement à une stratégie de réservation de créneaux de charge. La communication PAPS reste intéressante même quand une partie des VE ne communique pas, mais ses performances sont dégradées par la diminution du nombre d’informations partagées.

Le deuxième aspect porte sur le dimensionnement de l’infrastructure de recharge pour intégrer le point de vue des opérateurs de charge. Lors du dimensionnement, les VE simulés étaient d’autonomie limitée (60 kWh) afin de privilégier une mobilité propre et abordable. Les bénéfices qu’apporte la stratégie de communication PAPS dans la réduction du coût du réseau de charge ont été évalués en comparant les infrastructures
optimales à développer quand les VE communiquent et quand ils ne communiquent pas. Nous avons constaté que la communication permet de réduire de façon notable (jusqu’à 26 %) le coût de l’infrastructure.

Enfin, nous avons étudié l’influence de la puissance de charge des véhicules sur le temps passé en station ainsi que sur le coût de l’infrastructure à développer. Augmenter la puissance de charge accélère la charge mais augmente le prix des chargeurs adaptés. Les résultats montrent qu’augmenter la proportion de véhicules pouvant se charger à très haute puissance permet, même sans communication, de diminuer de plus de 50 % le temps passé en station sans engendrer de coût supplémentaire pour l’infrastructure. En effet, avec des véhicules à recharge ultra-rapide, l’attente est moins importante et donc moins de chargeurs coûteux sont nécessaires pour réduire le temps d’attente. Ces résultats sont à prendre avec précaution car aucun VE avec une aussi grande puissance de charge n’existe aujourd’hui et la charge ultra-rapide pourrait endommager la batterie et accélérer son vieillissement.

Laboratoire d’accueil

La thèse a été réalisée au sein du laboratoire Génie électrique et électrotechnique de Paris (GeePs) dans la formation doctorale « Electrical, Optical, Bio-physics and Engineering » (EOBE) de l’université Paris-Saclay. Unité mixte de recherche CNRS, CentraleSupélec, Université Paris-Saclay et Sorbonne Université, le GeePs constitue un des laboratoires les plus importants en Île-de-France dans le domaine du génie électrique. Ses travaux combinent à la fois une approche théorique, une modélisation numérique et une caractérisation et validation expérimentale. Ils se répartissent sur trois pôles : matériaux, électronique et énergie. La présente thèse a été menée au sein du pôle énergie qui vise à concevoir, modéliser, contrôler et optimiser des systèmes d’énergie électrique et électroniques afin d’élargir les domaines d’utilisation de ces systèmes (véhicule décarboné, smart grids, applications biomédicales…) en relevant les défis issus des contraintes sur les applications.

 

 

Pour plus d’informations : https://www.geeps.centralesupelec.fr/.

Soutenance de la thèse

La thèse a été soutenue le 1er décembre 2023 à Centrale Supélec devant un jury composé de cinq membres : Florence Ossart, professeure à Sorbonne Université (présidente), Jean-Christophe Olivier, maître de conférences HDR à l’Université de Nantes (rapporteur), Benoît Robyns, professeur à Junia (rapporteur), Fabrice Locment, professeur à l’Université de technologie de Compiègne (examinateur) et Assaad Zoughaib,
professeur à Mines Paris-PSL.

Cette thèse a été réalisée dans le contexte d’un partenariat CIFRE entre le GeePs et la R&D de Stellantis. Elle a été dirigée par le professeur Philippe Dessante et co-encadrée par le professeur Marc Petit au sein du GeePs ainsi que par la professeure Zlatina Dimitrova côté Stellantis.

Ces travaux de thèse ont reçu le deuxième prix Impact Innovation 2023 décerné par la Fondation CentraleSupélec.

La thèse est consultable sur : https://theses.fr/2023UPAST206.

Et après la thèse ?

Anastasia Popiolek est maintenant à la R&D d’EDF où elle travaille sur l’établissement de nouvelles règles de planification des réseaux électriques pour pallier les problématiques soulevées par le développement des énergies renouvelables intermittentes et l’électrification des usages mais aussi pour optimiser l’intégration des moyens de flexibilité (stockage).

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